L’indemnisation du préjudice corporel repose sur un principe simple : remettre la victime, autant que possible, dans la situation qui aurait été la sienne si l’accident n’avait pas eu lieu.
Ce principe, posé depuis longtemps par la jurisprudence, implique une réparation intégrale : aucun gain, aucune perte.
Mais concrètement, comment se calcule le montant d’une indemnisation ?
Loin des idées reçues, ce calcul repose sur une méthode rigoureuse, fondée sur des expertises médicales et des barèmes précis.
1. Le principe de la réparation intégrale
La réparation intégrale du préjudice est au cœur du droit du dommage corporel.
Elle signifie que la victime doit être indemnisée de toutes les conséquences de l’accident, sans qu’aucune ne soit oubliée ni doublée.
Ce principe s’applique aussi bien dans les procédures amiables (ONIAM, CCI, assurance) que judiciaires.
La Cour de cassation le rappelle régulièrement : « la victime doit être replacée dans l’état où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit ».
L’indemnisation n’a donc pas un caractère forfaitaire : elle est personnalisée, adaptée à la situation particulière de chaque victime.
2. La nomenclature Dintilhac : la grille de référence
Pour évaluer le préjudice corporel, les juridictions et les assureurs utilisent un outil de référence : la nomenclature Dintilhac, établie en 2005.
Elle recense l’ensemble des postes de préjudice indemnisables, répartis en trois grandes catégories :
A. Les préjudices patrimoniaux
Ils correspondent aux conséquences financières de l’accident :
- Dépenses de santé actuelles et futures (soins, hospitalisations, appareillages, prothèses, kinésithérapie, etc.).
- Pertes de gains professionnels pendant l’arrêt de travail.
- Incidence professionnelle (impossibilité de reprendre son emploi, reclassement, perte de chance de promotion).
- Besoin d’aide humaine, qu’elle soit assurée par un proche ou par un professionnel.
- Aménagement du logement ou du véhicule, nécessité d’un matériel adapté, d’une assistance quotidienne.
B. Les préjudices extrapatrimoniaux
Ils concernent les atteintes non économiques, mais tout aussi fondamentales :
- Souffrances endurées (prétium doloris).
- Préjudice esthétique.
- Préjudice d’agrément (impossibilité de pratiquer une activité de loisir).
- Préjudice sexuel ou d’établissement (atteinte à la vie de couple et au projet familial).
- Préjudice moral des proches, notamment en cas de décès ou de handicap grave.
C. Les préjudices évolutifs
Pour les victimes atteintes de handicaps lourds, certains préjudices s’étendent sur toute la vie : pertes de revenus futurs, besoin d’assistance permanente, appareillages successifs.
Ces éléments nécessitent des évaluations médico-économiques complexes.

3. Le rôle central de l’expertise médicale
Le point de départ de toute indemnisation est l’expertise médicale, amiable (CCI, assurance) ou judiciaire.
L’expert, en lien avec le médecin-conseil et l’avocat, évalue :
- le taux d’incapacité permanente (DFP ou IPP).
- la date de consolidation (moment où les séquelles deviennent stables) .
- et les répercussions fonctionnelles, professionnelles et personnelles.
Le rapport d’expertise fixe ainsi les bases du calcul : chaque séquelle, chaque besoin d’assistance, chaque douleur y trouve une traduction juridique et financière.
C’est pourquoi l’assistance d’un médecin-conseil de victimes est essentielle : il veille à ce que la réalité du préjudice soit justement décrite et ne soit pas minimisée.
4. Comment se calcule le montant concret de l’indemnisation ?
Une fois le rapport d’expertise établi, l’avocat évalue les montants à réclamer pour chaque poste de préjudice.
Ce travail repose sur plusieurs paramètres :
A. Les barèmes indicatifs
Il n’existe pas de “tarif” officiel des préjudices, mais des barèmes de référence, établis par les cours d’appel et par les juridictions spécialisées (notamment Paris, Lyon, Marseille).
Ils servent de point d’appui pour fixer la valeur monétaire de chaque poste :
par exemple, un déficit fonctionnel permanent de 30 % peut donner lieu à une indemnisation d’environ 80 000 € à 120 000 €, selon l’âge et les circonstances.
B. La situation personnelle de la victime
L’indemnisation n’est jamais standardisée.
Elle tient compte :
- de l’âge de la victime.
- de sa profession.
- de son environnement familial.
- et des répercussions spécifiques sur sa vie quotidienne.
Un même taux d’invalidité peut avoir des conséquences bien plus lourdes chez un jeune travailleur manuel que chez un retraité.
C. La capitalisation
Pour les besoins futurs (aide humaine, perte de revenus, appareillages), les sommes sont capitalisées, c’est-à-dire converties en un capital global tenant compte de l’espérance de vie et des taux d’intérêt.
Cette capitalisation obéit à des barèmes officiels actualisés (notamment les barèmes de la Gazette du Palais).
5. L’importance de l’avocat dans la phase d’évaluation
Les assureurs ou l’ONIAM proposent parfois des montants globaux d’indemnisation, souvent inférieurs à la valeur réelle des préjudices.
L’avocat spécialisé en dommage corporel analyse l’offre, identifie les postes oubliés (aide humaine, incidence professionnelle, préjudice moral des proches…) et, le cas échéant, engage une négociation ou une action judiciaire.
Son rôle est double :
- Technique, pour chiffrer précisément chaque poste.
- Humain, pour traduire la souffrance en une réparation juste et complète.
Grâce à son expérience, il garantit à la victime une évaluation conforme aux pratiques jurisprudentielles, sans céder aux barèmes restrictifs utilisés par certains assureurs.
6. Un calcul au service de la justice, non de la comptabilité
Le montant d’une indemnisation n’est jamais une somme arbitraire.
C’est la reconnaissance d’un vécu, la mesure d’une souffrance et la traduction d’une perte.
Si le droit impose des méthodes de calcul précises, c’est pour assurer l’égalité entre les victimes et restaurer, autant que possible, leur dignité et leur autonomie.
Conclusion
Le calcul du montant d’une indemnisation est une œuvre d’équilibre : entre le droit, la médecine et l’humanité.
C’est pourquoi il ne saurait être laissé au seul arbitraire des compagnies d’assurance.
L’intervention d’un avocat compétent garantit non seulement une évaluation complète, mais surtout une reconnaissance pleine et entière du préjudice subi.